Mormiche, Pascale: Devenir prince : L'école du pouvoir en France XVIIe-XVIIIe siècles CNRS, 2009.
Depuis une trentaine d’années, l’éducation des souverains intéresse de nouveau les historiens, après les études d’Henri Druon publiées en 1897 (L’Education des princes dans la Maison des Bourbons de France) et celle de Georges Lacour Gayet en 1898 consacrée à L’Education politique de Louis XIV. Il a fallu en effet attendre 1972 pour que Pierrette Girault de Coursac se penche sur la jeunesse de Louis XVI, et 1996 pour bénéficier de la réflexion de Madeleine Foisil consacrée à L’Enfant Louis XIII. Il manquait encore à l’historiographie une synthèse systématique de ces travaux épars, ce que nous propose aujourd’hui Pascale Mormiche avec Devenir prince, l’ouvrage qu’elle a tiré de sa thèse. Au regard des projets pédagogiques, l’auteur n’oublie pas d’analyser avec précision la composition des équipes éducatives, les personnalités qui les charpentaient, mais aussi les raisons qui présidèrent au choix d’un gouverneur et d’un précepteur pour l’héritier du trône. Ces deux fonctions, nous apprend Pascale Mormiche, étaient en effet beaucoup moins dissociables qu’il n’y paraît car c’était bien de concert et sans rapport hiérarchique évident qu’ils menaient la politique éducative du futur souverain. Faces d’une même monnaie, le gouverneur et le précepteur travaillaient à former un «honnête homme», figure consensuelle du gentilhomme depuis le début du XVIIe siècle. Le premier, homme de bonne noblesse, se chargeait plutôt de l’aspect mondain de l’honnêteté tandis que le second, souvent ecclésiastique, s’arrêtait beaucoup plus sur sa dimension intellectuelle, du bien parler au bien réfléchir, en évitant l’écueil de l’érudition et du pédantisme. Le «savoir du prince» demeure en effet une porte d’entrée remarquable pour comprendre les représentations d’une époque ainsi que les aspirations profondes de la monarchie française. Peut-être l’auteur aurait-il d’ailleurs dû insister davantage sur la dimension politique de l’éducation princière que l’on gagnerait à concevoir comme un espace de dialogue avec le second ordre. Si les héritiers de la souveraineté recevaient un enseignement conforme à celui de l’élite nobiliaire, les œuvres écrites pour le prince diffusaient néanmoins un discours capable de fonder l’unité d’intérêt et de pensée des gentilshommes avec la monarchie. Aussi le projet éducatif du fils de Louis XIV constitua-t-il le fonds idéologique de la reconstruction d’un royaume affaibli par les dissensions religieuses et politiques depuis quasiment un siècle. Une Histoire de France, composée par le prince sous la direction de Bossuet, offrait une lecture particulière de l’histoire du royaume, perçue comme un cheminement long, mais néanmoins certain vers son unité sous un même roi, une même foi et une même loi.
Matthieu Lahaye (Forrás: www.parutions.com) |